samedi 31 juillet 2010

Le grand corbeau [extrait de Keltia N°15]

L'histoire est parsemée de retournements de pensées et d'injustices s'enchaînant les uns aux autres dans un flot ininterrompu. Prenons quelques instants pour regarder l'opprobre qui a suivi le respect dont le grand corbeau a fait l'objet et le nouveau regard porté de nos jours sur cet oiseau hors du commun !
par J.-M.
Les ancêtres antiques des grands corbeaux ont indéniablement bénéficié de conditions de vie et d'une réputation bien meilleures que celles de leurs descendants contemporains. Tout du moins en Europe, car aussi bien en Amérique du Nord qu'en Afrique et Asie, le grand corbeau est plutôt bien perçu par les cultures traditionnelles à quelques exceptions près.

Que s'est-il passé pour que ce noir volatile soit réduit progressivement à un oiseau de mauvaise augure, littéralement : porteur de mauvaises nouvelles ?

Chez les anciens Celtes, il bénéficiait d'un rang élevé dans le bestiaire sacré.

La Morrigane irlandaise est souvent représentée avec des corbeaux, son nom gaélique, Bodh, signifiant la corneille. Elle peut prendre aussi la forme du corbeau. Le pseudo-Plutarque considère l'étymologie de Lyon (Lugdunum) comme la colline des corbeaux et non la colline de Lug. Compagnons du dieu Lug, les corbeaux furent considérés comme des messagers du divin, des porteurs de nouvelles, sans considération de valeurs. Leurs fonctions peuvent être rapprochées des deux corbeaux accompagnant Odin. Hugin, l'esprit, et Munnin la mémoire.

Si les cultures scandinaves et celtiques sont bien distinctes, il y a néanmoins beaucoup de passerelles intéressantes entre l'une et l'autre, et l'importance des corbeaux  est l'une d'entre elles. Les corbeaux sont également associés au dieu germanique Wotan. Enfin, et de manière non exhaustive, nous trouvons les corbeaux dans l'un des mabinogi gallois, le Songe de Ronabwy, dans lequel ils apparaissent comme les soldats d'Owein affrontant Arthur.
Il n'existe, à notre connaissance, aucun document entérinant un changement "officiel" de la popularité du corbeau dans la tradition ou la perception populaire.

Nous avancerons donc deux hypothèses pouvant être largement débattues et remises en question. Si cela peut faire avancer les réflexions, même dans une autre direction, nous en serions ravis !

La première hypothèse repose sur le fait que le grand corbeau est un charognard. Nous savons par les découvertes archéologiques que les corps de soldats étaient à une certaine époque exposés à l'air libre (par exemple les sanctuaires de Gournay-sur-Aronde et Ribemont-sur-Ancre, en Picardie), debout, étêtés, et laissés à la disposition des oiseaux charognards, ceux-ci se repaissant des chairs humaines jusqu'à l'os. Le grand corbeau étant de par sa taille et sa présence un opérateur de choix pour ce travail qui peut nous apparaître comme répugnant aujourd'hui mais qui avait probablement une portée symbolique dont nous ne pouvons que percevoir les bribes lointaines.

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